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Quand la pensée interfère, le Flow disparaît


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As-tu déjà remarqué ce paradoxe : plus tu essaies de contrôler ton combat, plus tu perds ta fluidité ? Plus tu penses à bien faire, plus ton geste devient rigide, hésitant ?


Des chercheurs comme Sian Beilock, Richard Masters et James Hardy ont étudié le choking under pressure, cet étouffement sous pression qui frappe les athlètes. Leur découverte : sous stress, les athlètes n'échouent pas parce qu'ils oublient leur technique, mais parce qu'ils pensent trop. Le geste répété des milliers de fois devient soudain paralysé par le flot de pensée qui l'analyse, le commente, le juge.


Pour contrer cela, ces chercheurs proposent des solutions cognitives : se concentrer sur un point externe, simplifier les consignes, utiliser des routines. C'est utile. Mais ce n'est qu'un moyen de gérer la pensée, pas de la comprendre.


Car gérer et contrôler demande une dépense énergétique énorme. Chaque effort pour maîtriser ton esprit consomme l'énergie vitale qui pourrait circuler librement dans ton geste, ta respiration, ton regard. Imagine un combattant qui utilise la moitié de sa force à tenir en laisse sa propre pensée, comme s'il devait combattre deux adversaires : celui devant lui et celui dans sa tête.


Quand cette énergie n'est plus mobilisée pour lutter contre le flot de pensée, elle se libère instantanément. Et dans cette liberté, elle se réoriente naturellement vers l'action juste, vers cette intelligence vivante qui émerge du silence intérieur. Ce n'est pas une technique à forcer, c'est une bascule (insight) qui se produit quand tu cesses de te battre contre toi-même.


Le vrai problème n'est pas dans la pensée elle-même, mais dans le fait de la croire réelle, solide, définitive. Quand tu crois que ton agitation intérieure est "toi", tu luttes contre ton propre reflet, tu t'épuises à combattre une ombre. Mais quand tu vois que cette pensée n'est qu'une forme passagère, un nuage qui traverse le ciel de ta conscience sans pouvoir réel sur toi, elle perd sa solidité. Et dans cet instant de lucidité, le geste se libère, le corps agit sans interférence, et le Flow réapparaît.


C'est toute la différence entre les approches Outside-In et Inside-Out. La première cherche à contrôler la pensée depuis l'extérieur, à gérer ses manifestations comme un problème technique. La seconde voit la nature même de la pensée, comprend qu'elle n'est que mouvement éphémère sans substance réelle. L'une mise sur la maîtrise et l'effort perpétuel. L'autre ouvre à la liberté.


Dans cette liberté, il n'y a plus rien à "faire". Juste à être présent et laisser la conscience agir à travers toi. C'est cela, le Flow véritable : l'action sans interférence, le geste qui naît du silence vivant.


Dialogue au dojo : Quand les élèves découvrent l'interférence


Après l'entraînement, le Coach rassemble ses élèves en cercle. Il laisse le silence s'installer avant de parler.


Coach : Qu'avez-vous remarqué aujourd'hui pendant vos combats ?


Marie, ceinture verte, lève la main.

Marie : J'essayais tellement de bien faire mon mawashi, de penser à ma garde, à ma distance... que je n'arrivais plus à bouger naturellement. Puis j'ai lâché prise, et tout est devenu plus facile.


Coach : Tu as vécu la différence entre essayer de contrôler et simplement être présente. C'est une bascule (insight).


Thomas, ceinture brune, intervient.

Thomas : Mais Coach, quand j'arrête de penser, je deviens passif. Je me fais toucher de partout. J'ai besoin de ma stratégie.


Coach : Je n'ai jamais dit qu'il fallait cesser de penser. J'ai dit que la pensée interfère quand tu la crois réelle. Dis-moi, quand tu combats, où es-tu ? Sur l'adversaire... ou sur le commentaire intérieur dans ta tête ?


Thomas ferme les yeux. Quand il les rouvre, quelque chose a changé.

Thomas : J'étais... dans ma tête. Je calculais, j'analysais. Même quand je regardais mon adversaire, c'était comme si je le regardais à travers un filtre de pensées.


Coach : Et quand ton attention est prise par ce commentaire intérieur, combien d'énergie te reste-t-il pour voir réellement ce qui se passe ?


Amélie, ceinture orange, intervient avec un sourire.

Amélie : J'ai compris ! Dans le combat, j'analyse tout. Mon cerveau transpire plus que mon front !

Le groupe rit.


Coach : Tu as remarqué que penser coûte de l'énergie. Une énergie énorme. Et cette énergie que tu dépenses à analyser, c'est exactement l'énergie dont tu as besoin pour frapper avec puissance, pour voir les ouvertures avec clarté.


Karim, ceinture bleue, lève la main.

Karim : Coach, j'ai vécu quelque chose d'étrange. À un moment, le temps a ralenti. Je voyais son coup partir, mais j'avais tout le temps de réagir. C'était fluide, sans effort. Puis ma tête s'est remise à commenter "wow, c'est génial", et pouf, j'ai repris un coup direct.


Coach : Tu viens de décrire la distorsion temporelle, un des marqueurs du Flow. Tu étais totalement présent. Et qu'est-ce qui l'a fait disparaître ?


Karim : La pensée qui a dit "c'est génial"...


Coach : Exactement. Ton attention s'est déplacée de l'adversaire vers le commentaire intérieur. Le Flow s'est évaporé.

Thomas : Mais si je ne pense pas à ma stratégie, comment j'anticipe les coups ?


Coach : As-tu déjà attrapé une balle qu'on te lance sans prévenir ?

Thomas : Oui.


Coach : Et tu as calculé la trajectoire, la vitesse et l'angle dans ta tête ?

Thomas : Non... mes mains bougent automatiquement.

Coach : Exactement. Il y a une intelligence somatique qui réagit en temps réel sans passer par le langage. Cette intelligence travaille à la vitesse de la vie. La pensée analytique travaille à la vitesse du langage. Et le langage est lent. Trop lent pour le combat réel.


Amélie : C'est quoi la différence entre penser à une stratégie et que la pensée interfère ?

Coach : La qualité de l'attention. Quand la pensée est au service du combat, elle est légère. Elle dit "attention à son jab" puis se dissout. Mais quand elle interfère, elle crée un mur. Elle dit "attention à son jab, et aussi à son low kick, et je ne dois pas oublier mes mains hautes, et mince, la dernière fois il m'a eu, et si ça recommence..." Tu vois le problème ?

Amélie : Oui ! C'est comme un commentateur sportif qui ne se tait jamais.

Coach : Et ce commentateur consomme toute ton énergie. C'est ça le choking under pressure. Tu penses tellement que ton corps ne peut plus exécuter naturellement.


Karim : Comment on arrête ce commentateur ? Plus j'essaie de ne pas penser, plus je pense !

Coach : Tu ne peux pas arrêter la pensée en pensant à l'arrêter. Plus tu luttes contre elle, plus tu lui donnes du pouvoir.

Karim : Alors on ne fait rien ?

Coach : On voit simplement que la pensée est pensée. Pas "toi". Juste pensée. Une forme qui apparaît et disparaît. Comme un nuage dans le ciel. Le nuage a-t-il le pouvoir de t'empêcher de combattre ? Non. Mais si tu crois que le nuage est le ciel, alors oui, tu es coincé.


Sophie, ceinture verte, brise le silence.

Sophie : Coach, j'ai eu un insight. Toute ma vie, j'ai cru que mes pensées négatives étaient vraies. Que je n’étais «pas assez bonne", "trop lente". Mais là, je réalise que ce ne sont que des pensées. Elles n'ont le pouvoir que je leur donne.

Coach : Sophie, cette bascule où tu vois que la pensée n'est que pensée, c'est la porte d'entrée du Flow. Tu l'as touché maintenant.

Sophie : Je me sens plus légère. Comme si un poids venait de tomber.

Coach : Ce poids, c'était l'énergie que tu dépensais à croire tes pensées. Quand tu as vu leur vraie nature, cette énergie s'est libérée instantanément.


Le Coach se lève.

Coach : Ce que vous avez compris aujourd'hui, certains l'oublieront dans cinq minutes. D'autres le porteront pendant des semaines. Ce n'est pas grave. C'est un appel à revenir à votre nature profonde, chaque fois que vous remarquez que vous vous êtes perdus dans une forêt remplie de flot de pensée. Revenez à la maison !


Tous ensemble : Osu !


Le Coach les regarde retourner sur le tatami. Dans leurs yeux, cette lueur particulière qui s'allume quand quelque chose d'essentiel vient d'être touché. Il sourit. Il n'a pas "enseigné". Il a simplement pointé vers ce qui était déjà là, attendant d'être reconnu.

Le Flow. La liberté. L'intelligence vivante. Extrait du livre: Le combattant génératif et le Flow en combat

Gaëtan Sauvé, pratiquant du Karaté Kyokushin depuis 1971

 

 
 
 

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